vendredi 7 février 2014

Iles du salut : une étrange réputation pour des iles edeniques

Nous sommes arrivés en Guyane en faisant escale dans cet archipel ; nous y sommes revenus deux week-end, nous y repassons enfin lors de notre départ de Kourou pour St Laurent du Maroni . Vous aurez compris que l'endroit est (aujourd'hui) suffisamment agréable pour justifier qu'on y repasse sans réserve  .

Cet article est la synthèse de nos deux derniers séjours sur place .

Cet archipel situé à 15 kms de la côte, a été dénommé Iles du Salut  . C'est en effet sur l'ile Royale que se sont réfugiés les rescapés de l'expédition Choiseuil en 1764 / 1765 . Décimés par les fièvres, les maladies et les guerres avec les indigènes, les survivants de la première grande tentative de colonisation se sont repliés ici d'où leur "salut" .

Nous ne résistons pas à l'idée de vous faire visiter ces  3 iles étonnantes connues avant tout pour avoir hébergé le système carcéral parmi les plus inhumains que l'on puisse imaginer . Quand on découvre  au musée  installé dans l'ancienne demeure du Directeur,  le degré d'inventivité des geôliers pour aggraver les conditions de subsistance, la cruauté gratuite et jusqu'au symbole  représenté par l'absence de sépulture pour les détenus donnés en pâture aux requins,  on relativise  les leçons de morale que nous donnons quotidiennement sur le goulag russe, les camps chinois ou aux américains (pour ce qui concerne Guantanamo).  En effet , la fermeture de ces véritables camps de la mort date d'hier à l'échelle de l'histoire (1949) .  Même avec un enthousiasme inoxydable, rien n'interdit de penser que nous ne soyons pas capables de répéter de tels errements si les conditions se trouvent à nouveau réunies  .

Trois iles disais- je : La principale est l'ile Royale, l'ile Saint Joseph à proximité et la dernière - la plus célèbre d'entre toutes - l'ile du diable (l'accès en est interdit) . St Joseph recevait les détenus récalcitrants , les incorrigibles et l'ile du Diable, les détenus politiques tenus à l'isolement complet (le plus célèbre étant le Capitaine Dreyfus)  . Sur ces deux iles les détenus devaient respecter la règle du silence absolu . Ces trois îles sont séparées par d'étroits passages dans lesquels les courants sont extrêmement forts et dangereux .

 
L'ile du diable vue de l'auberge de l'ile Royale


On accède à l'ile Royale en mouillant dans une baie bien abritée  du vent dominant (Nord-Est) .



 
 
 
 
 
 
Esclarmonde 3 au mouillage dans la baie  entourée de cocotiers dans lesquels singes et perroquets s'en donnent à cœur joie .
 
 
 
 
Les singes espiègles n'hésitent pas à "nous canarder" avec des mangues qu'ils laissent tomber   des plus hautes branches des manguiers centenaires .... merci d'ailleurs car la mangue verte en salade est un met exquis !
 
La chasse est interdite sur les iles : les animaux sont très familiers .
 
 
les perroquets près de l'auberge
 
 
Les agoutis courrent partout .... espèce mammifère, sorte de gros hamster végétarien parait il fameux .
 
 
 
La place centrale de l'ile royale et ses arbres centenaires 
 
 
 
L'église  sur la place d'armes
 
Plaque commémorative en mémoire des sœurs de St Paul de Chartres qui ont soigné gardiens et détenus pendant un demi siècle ....jusqu'en 1904 .  Bon nombre sont décédées de fièvres et de maladies tropicales .
 
 
 
 
A la demande de l'évêque de Cayenne , le détenu Francis Lagrange a peint  les fresques de l'église .
Il n'a pas manqué d'humour : Le petit Jésus est figuré sous les traits du plus jeune détenu ,  Marie porte dans sa main droite un panier dans lequel l'enfant Jésus se sert et croque .... une pomme !
 
 
les Fresques de l'entrée  représentent  les traits de personnages du camp
 
 
Même Le Directeur est représenté ...sous les traits de Judas !
 
Espiègle ce Lagrange !
 
 
 
 
 
L'hôpital des surveillants et administrateurs ... l'hôpital des détenus  qui lui était symétrique a été démoli par le CNES  pour faire place à une station radar pour le suivi des trajectoires de lancement des satellites .
 
 
Derrière l'hôpital, les Phares et Balises ont érigé le phare de l'ile Royale ; cet amer constitue le point d'atterrissage pour l'entrée dans le chenal de  Kourou ; il  est automatisé depuis de nombreuses années .
 
 
Le CNES - propriétaire des Iles - fait des efforts significatifs pour restaurer et valoriser  le patrimoine de ces trois iles . Par exemple, le partenariat avec le Conservatoire du littoral a permis une remarquable restauration de la maison du Directeur  désormais transformée en musée très intéressant  . Sont notamment évoqués les cas des détenus célèbres :  Dreyfus- Seznec - Papillon - Lagrange ....etc
 
 Il convient de noter cependant que ces efforts sont étrangement accompagnés par le seul établissement hôtelier de l'ile  : L'auberge  de l'ile Royale . Il faut croire que digne héritier  du corps d'administration pénitentiaire de la Marine, le gérant et ses "sbires" déploient des trésors d'ingéniosité pour assurer une réputation calamiteuse à l'établissement : alimentation chère et mauvaise, refus de permettre la connexion Wi Fi si  ne consommant qu'une boisson ou un repas, vous ne prenez pas de chambre à l'hôtel , attente d'un quart d'heure pour obtenir de service d'un coca et d'un perrier..... ( et en plus, manifestement on dérange)  ! Rien d'étonnant à ce que la fréquentation touristique des iles du Salut soit en diminution !  reste à imaginer ce qui se passe lorsqu'un paquebot essaie de faire escale ?
La Guadeloupe à coté est un havre de gentillesse !
Cependant la qualité du guide - Serge Colin - justifie à elle seule le déplacement sur l'ile .
 
 
Les dortoirs des détenus restaurés par le CNES .  A  proximité, les  anciens logements des gardiens ont été transformés en chambres d'hôtel ou gites par le CNES .
 
 
La piscine des détenus de l'île Royale  .....vraiment  pas grande pour 1600 détenus !
 
 
 
Nous prenons l'annexe et traversons l'étroit passage séparant les 2 Iles .
 
L'Ile Saint Joseph  est confiée par le CNES a la garde de la Légion . Nous y accostons difficilement car le ponton est cassé .
 
 
le coin de la Légion sur la face Ouest de l'Ile : 2 hommes restent en permanence pour la garde et l'entretien de cette ile .
 
 

 
le casernement des légionnaires  : l'ancien quartier des logements des surveillants reconverti
 
 
 
 
 
La piscine des détenus .... soigneusement installée à l'endroit où le courant est le plus dangereux pour dissuader les tentatives d'évasion
 
 
Le tout dans une végétation paradisiaque ...
 
 
l'Ile du diable vue de St Joseph
 
 
 
 
 
La plage aux tortues vertes ...... nous n'en aurons vu aucune !
 
 
 
Le cimetière des gardiens et de leur familles  :  près d'un résident sur trois, gardien ou membre de sa famille décédait durant le séjour ..... Fièvre jaune , paludisme ont fait des ravages tant chez les détenus que les gardiens ou leurs familles . Il n'y a pas eu que des morts par chute de noix de coco !
auxquelles il faut être très attentif !
 
 
Les détenus ont réalisé des ouvrages de maçonnerie très élaborés  :
 
 
L'allée qui longe le rivage après le cimetière, coté île Royale
 
 
La grande allée d'accès aux zones de réclusion est en cours de restauration dans le cadre d'un chantier d'insersion .
 
 
 
L'urgence de développer la capacité d'accueil du site à conduit a  faire construire  des bâtiments en structure métallique fin XIX eme siècle (1889 1890) . La troisième République ne badinait pas avec l'ordre .......
 
Les cages d'incarcération étaient barreaudées latéralement , au dessus et au dessous ne réservant aucune intimité  ; les détenus avaient droit à une sortie d'une heure par jour entre 4 murs.  Le reste du temps ils étaient aux fers une cheville tenue par une manille au bout d'une chaîne . Ils avaient deux possibilités de station : assise au sol ou couché . Suite aux articles d'Albert Londres début des années 1920, l'administration  pénitentiare de la Marine décida d'améliorer le confort des détenus : elle leur mis à disposition  en 1936 chacun un tabouret !  Pour surprendre les détenus qui avaient interdiction absolue de parler entre eux, les gardiens se déplaçaient chaussés de charentaises en semelles de feutre .
 
Nous rentrons à Kourou pour aller assister  au décollage d'Ariane V ....  en effet il est interdit de rester aux Iles du Salut lors d'un tir ..... l'archipel est sous la trajectoire des débris en cas d'explosion de la fusée !
 
 
Entrée devant la pointe des Roches au coucher du soleil dans le mouillage de la rivière de Kourou ....
à bientôt pour un prochain épisode .
 
 
 
 
 
 
 
 



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