Nous quittons Funchal Samedi 7 décembre en début de matinée à marée haute . Ce détail est important en effet : Nous étions en bordure de quai sans ponton flottant . Le désamarrarage est toujours plus délicat lorsque l'équipier doit sauter à bord d'une hauteur significative .
Point météo avec Olivier . Il nous regarde partir sur internet en direct à partir de la vidéo du port sur laquelle il s'est connecté : qui à osé dire que le monde est un village !
Pour revenir à la prévision.... nous disposons de 48 heures de tranquilité . Après ça va se corser avec la nécessité de traverser une dépression . "Il va falloir louvoyer " nous avertit Olivier !
Nous rendons hommage au Queen Elisabeth 2 - lui - rentrant dans le port, par l'envoi du spi asymétrique et du balooner d'artimon : Belle allure !
Cependant, à l'abri des falaises du cabo Girao (580 mètres de hauteur à pic) nous n'avançons pas .
..... 5 heures pour parcourir 12 miles ......puis timidement le vent se fait sentir en milieu d'après-midi : douce caresse . Nous avançons enfin : 90 miles en 24 heures .... c'est pour le moment et depuis que nous avons ce bateau .... notre plus belle performance de lenteur . L'essentiel est de s'extirper de la nasse anti cyclonique qui enserre Madère et les Canaries . Nous en profitons pour lire avec gourmandise en profitant de la stabilité du bateau .
Nous y parvenons enfin .... et nous nous préparons à faire connaissance avec la fameuse dépression annoncée sur notre route ....
Dès la fin de l'après midi du dimanche, nous observons au sud ouest une formation de nuages ......pas catholiques si vous me permettez l'expression . Au final, la nuit tombe . Nous nous trouvons une affinité avec les autruches car il est beaucoup plus rassurant d'avancer en n'y voyant rien !
A une heure du matin, l'horizon s'éclaire d'une, de deux ... de milles zébrures étincellantes ... Et non vous avez perdu , ce n'est pas le final du feu d'artifice du 14 juillet ! on passe en plein sous le front de la perturbation . Nous avions déjà rencontré des orages - notamment en traversant en été le golf de Gascogne , mais là , c'est une autre paire de..... manche si l'on ose dire .
Première règle absolue : garder son sang froid . deuxième : réfléchir aux solutions d'esquive du danger : Demi tour inutile car le front allant plus vite que nous, nous rattrapera . Aller à droite ...impossible , à gauche ..; tout autant . Reste dessus et dessous ! Pour la première hypothèse, nous verrons bien assez tôt le ciel ! Je propose à Nicole de passer en mode sous - marin . Ca détend au moins l'atmosphère qui devient ainsi .... moins électrique !
Bien formé par l'exemple donné par la sagesse de nos politiques .... je décide- avec courage et lucidité - (tout en restant modeste, n'ayons cependant pas peur des mots) ..... de ne rien faire ! . On va droit dedans et on verra bien . En fait, nous appliquons le meilleur enseignement du jacquet sur le chemin : faire confiance à la providence .
Un zest de rationalité scientifique n'étant toutefois pas superflu, nous posons un petit exercice d'arithmétique à la "Fournier" :
Sachant que la foudre est attirée dans les espars de bateau dans un rayon de 3 fois la hauteur du mat- le notre mesure 22 mètres - dans quel périmètre maximal devrons nous poser le tapis de prière pour être protégé ?
Alors que nous arrivons sous une voute nuageuse éclairée comme en plein jour, je termine de débrancher les principaux équipements électroniques particulièrement sensibles aux phénomènes électriques et magnétiques en cas d'impact . Nous naviguons alors en totale cécité . Nous baissons les oreilles en attendant que ça passe . Une bonne heure .... ça parait vraiment long, même si c'est magnifique . Le vent est assez fort ; nous avons réduit la voilure et avançons très doucement .....sur la pointe des pieds pour nous faire le plus discrêt possible, un peu comme les romains poursuivis par Obélix dans la forêt !
Enfin, les éclairs s'estompent progressivement . Le front finit par être derrière nous . Pas de casse : que du bonheur ! Il n'aurait plus manqué que dans la même semaine nous ayons eu du triphasé sur le quai de Funchal et la foudre sur le bateau !
Reste à tout reconnecter pour remettre les équipements en fonctionnement . La fin de la nuit est bien occupée : c'est fou comme on débranche vite .... c'est vraiment la plaie de tout remettre en place et que ça fonctionne à la sortie .
Nous arrivons ensuite au centre de la dépression . L' impression est irréelle . On passe de rafales de vent à 40 nœuds (75 Kms/h ) à 0 en très peu de temps . les voiles se mettent à fasseyer ......
Tend l'autre joue ... mon enfant ! C'est pour mieux prendre la calotte sur tribord quand l'autre coté de la dépression ne tarde pas à arriver !
Nous profitons du passage du front pour changer d'amure (coté sous lequel arrive le vent) et faire route plus sud .
La navigation se poursuit avec le sous produit de toute dépression : la houle . Jusqu'à Mindelo, nous serons poursuivis par des trains de vagues croisées et hargneuses ce qui va rendre cette navigation harassante . Heureusement que nous avons un voilier long, stable et solide pour affronter une mer aussi chaotique plusieurs jours consécutifs sur une allure portante inconfortable .
Nicole en sort éprouvée par un mal de mer tenace qui me tenaille aussi par moment ; cependant, il y a toujours un aspect positif à toute situation .... nous y avons gagné un cran de ceinture car nous n'avions vraiment pas eu envie de manger grand chose .
Nous avons quelques dégâts suite à de violents rappels ou déferlantes : le chariot d'écoute de grand voile Lewmar se brise suite à la fatigue d'une vis .
Heureusement , nous veillons à toujours assurer la bôme ; ainsi retenue, elle ne cause aucun dommage en cas d'empannage ou d'un tel incident improbable .
Reste à réparer ! Qu'à cela ne tienne ..... j'ai la solution !
Nous avons la pièce détachée en stock au fond de la cale .... (hommage et pensées avec ce tableau à la mémoire de Gustave Tiffoche au passage )
Jeudi matin, je constate que malgré notre bonne vitesse ( environ 8 kns) , la production de courant couvre tout juste la consommation du voilier . Rien d'alarmant compte tenu de la puissance de notre parc batteries ; Je fais le tour des causes possibles et constate que la ligne de pêche a eu la bonne idée d'aller se prendre dans l'hélice de l'hydrogénérateur , seule l'éolienne produit . Il faudra remettre les choses en ordre à l'arrivée .
Même la bouilloire a perdu sa poignée sur un coup de gîte !
Samedi 14 décembre, soit une semaine après notre départ, nous voyons le bout de cette navigation un peu calvaire sur les bords malgré nos lectures quand c'était possible (Nicole : le dictionnaire amoureux de la Bretagne du Yann Queffelec , moi : les 2 derniers tomes de Bernard Werber ).
Vers 15 heures, nous arrivons à 4 miles de la côte ; nous sommes accueillis par une brume lumineuse laissant le souvenir d'uns sensation de moiteur (rien d'étonnant d'ailleurs car nous sommes au 16 ème degré de latitude seulement au niveau du tropique du cancer ) . Ce phénomène est dénommé "harmattant" .
La cartographie électronique des cotes africaines achetée au départ permet de naviguer sans visibilité .... ça tombe bien !
En s'approchant on aperçoit enfin la pointe Nord -est de l'ile de Sao-Antao .
Arrivé dans la baie de Mindelo, le ciel se dégage petit à petit sous l'effet d'un vent qui forcit . La baie est superbe même si elle est encombrée de bien nombreuses épaves ou poubelles flottantes : nous arrivons vraiment en Afrique !
la baie de Mindelo vue du coté de Sao-Antao
Un cargo Nigérian au mouillage devant le port de commerce
Notre mouillage au fond de la baie de Mindelo près de la marina (ou prétendue telle)
Nous plantons l'ancre avec 60 mètres de chaine dans 5 mètres d'eau bien bleue et bien belle ...... et quelques minutes plus tard , nous constatons que nous dérapons . Nous reprenons la manœuvre et remontons l'ancre ..... avec un bout de pneu, un sac de jute et du plastique ! Enfin, à la seconde tentative, l'ancre croche correctement : nous pouvons passer à l'étape suivante : bien manger et vénérer la déesse de l'horizontalité en dormant correctement .
Dimanche , gros vent dans la baie de Mindelo . Nous préférons - par prudence - rester à bord au cas où le mouillage ne tiendrait pas , ou qu'un autre bateau dérape.....ou les deux . Nous en profitons pour remettre le bateau en ordre . Notamment, Nicole détortille la ligne emmellée dans l'hydrogénérateur .
Demain , nous allons commencer à visiter l'archipel .... suite au prochain numéro !
merci Louis... ça nous rappelle des trucs ;)
RépondreSupprimeret Mindelo est toujours aussi dépaysante.. d’après tes photos j'ai l'impression que j'ai fait les mêmes (épaves) il y a 30 ans
quand vous avez tout débranché.... vous n'etiez plus visible sur spot.... ceci explique cela ....
RépondreSupprimerBonjour Nicole et Louis,
RépondreSupprimerAvec mon épouse Claudie, nous sommes complètement scotchés par votre aventure que nous suivons jour après jour.
Nous attendons avec grand intérêt les épisodes suivants.
Jean-Paul Geneste