vendredi 23 mai 2014

Un tsunami à Limoges ......vu de dessous les cocotiers à Mustique

Nous sommes à l'île Mustique , dans les Grenadines de Saint Vincent , petit paradis pour milliardaires et membres du gotha principalement anglo-saxons .  Ici sont installés dans le sillage de la princesse Margarett, Mick Jagger, Rachel Welsh, les héritiers Lacoste, David Bowie, Tomy Hilfinger .......  Quand on n'attérrit pas avec son avion privé , arriver ici est compliqué ....pas seulement car , à l'ouest de Bequia, il faut remonter contre  vent et courant pour y aborder, mais aussi  car tous  les coûts sont  particulièrement dissuasifs  (que ce soit le pain,  les fruits, le  poisson, le taxi ....le  Cotton house hotel  à partir de 4000€ la suite..... )  pour tout individu relevant  de la bourse du commun des mortels . En voilier, ce n'est pas complètement le cas : si la bouée d'amarrage est obligatoire pour préserver des fonds marins magnifiques (65€ pour deux nuits consécutives), le mouillage est rouleur mais  le cadre  enchanteur ......  Nous avons  "cassé le cochon" pour faire étape ici 3 jours  , nous ne le regrettons pas , c'est à voir . On arrive dans une véritable petite Suisse au beau milieu des antilles .....ça change de la misère, la saleté de l'ile principale St Vincent .  C'est vraiment un pays où les extrêmes voisinent ....sans se croiser .

 Esclarmonde au mouillage à Britannia Bay au coucher du soleil :  il faut attendre la fin d'après midi pour emmener nos petites filles  Manon et Chloé à la plage tellement le soleil chauffe
 
 vue sur l'ile à partir  de Britania Bay  : on distingue sur les hauteurs  les villas superbes avec vues imprenables sur l'ensemble des Grenadines de St Vincent ....
 
le quartier commerçant en bas du village près des pêcheurs  

C'est de là, sous les cocotiers ,  à la terrasse du Basil's Bar, rafraichît par une bière Hairoun (locale de bonne facture), bien loin des passions qui semblent traverser la capitale du Limousin qu,'il m'a semblé intéressant de faire partager  quelques réflexions sur ce qui vient de s'y passer . Peut être que de loin, on discerne  aussi quelques traits  essentiels ?


Le Basil's vu du mouillage
Le bar le plus célèbre des Caraïbes : Le Basil's bar où se retrouvent en saison, chaque fin de semaine les milliardaires anonymes .....les skippers, les navigateurs .......


J'espère ne froisser aucune susceptibilité car telle n'est pas mon intention . Je compte sur votre bienveillance pour  m'excuser par avance d'éventuelles maladresses  de rédaction .  De toute façon assener quelques vérités dérange toujours ....... on devient philosophe avec l'âge : Après plusieurs traversées de l'atlantique, nous ne sommes pas impressionnés par le risque de tempête dans un verre d'eau dans le bocal limougeaud  .


Nous y avons passé 22 ans et y avons gardé de nombreuses amitiés …. . Ce qui s'y passe ne nous laisse pas indifférents, loin de là . De l'autre coté de l'atlantique, nous avons bien vite appris que - malgré les quelques 200 kms qui la séparent du littoral - un «tsunami» s'y était curieusement produit......c'était à l'occasion des récentes élections municipales ! . Aux dernières nouvelles il y a quelques victimes nous a t'on dit …..cependant nulle ONG ne semble avoir mobilisé d'intervenants pour venir en aide aux sinistrés …. nous vivons dans un monde d' ingrats !   Koutchner où es tu ?  



Trève de plaisanteries qu'aurait volontiers affectionné Pierre Desproges, limougeaud célèbre . Le courant des passions politiques dépasse les individus et se confond facilement – dangereusement - dans un phénomène de foule . Aussi, il convient de se garder de tout propos déplacé concernant les personnes ; il est facile de tirer sur des hommes à terre . Beaucoup qui hier flagornaient ou se taisaient par calcul, n'hésiteront pas aujourd'hui à se montrer hardis dans les propos parfois désobligeants …...Nous ne nous joindrons pas à ce cœur . Revenons à l'essentiel : il est utile d'analyser ce mouvement de société à l'oeuvre et d'en tirer si possible quelques leçons en prenant du recul et avec prudence : l'histoire sait réserver bien des surprises qui rendent humble celui qui se relit quelques années plus tard …....



L'écueil inévitable pour un système établi depuis plus d'un siècle réside dans le conformisme sous  toutes les dimensions imaginables  : de la pensée, de l'action et son corollaire : le comportement grégaire et la suffisance  . Les situations acquises – économiques , politiques, syndicales, administratives …..etc, favorisent la paresse intellectuelle . Ce facteur est amplifié du fait d'une élite âgée en peine pour comprendre les processus à l'oeuvre dans l'accélération des mutations du Monde (nouveaux systèmes d'information numériques, méthodes de guerre économique , systèmes de renseignement et de communication …..etc) . Sous ce jour, Limoges paie un lourd tribut et ce trait renforce son caractère provincial quelque peu élimé.  Ceci n'a rien d'étonnant au demeurant compte tenu de la moyenne d'âge de la population de l'agglomération et de son vivier environnant : la région Limousin. Sa démographie montre une population s'appauvrissant de ses forces vives (l'équilibrage du flux de départ des jeunes hautement formés par des pratiques familiales malthusiennes s'opère par le retour de retraités et une immigration quantitative) . Cependant, les atouts majeurs de cette région existent bel et bien  : ils résident dans un environnement quasiment intact, une capacité à générer et donner sens au lien social (système de santé, mutualité, tissu associatif...), une valeur reconnue au travail bien fait encore préservée , un sens et des techniques de transmission des savoirs performants (écoles publiques et privées, compagnons, systèmes de formation consulaires, université..) . …... Ce terroir est et reste vertueux pour résumer et – mis dans des mains talentueuses - peut tout espérer de l'avenir s'il décide enfin de réunir ses forces plutôt que de quémander de l'aide à l'Etat ou d'engager d'inutiles projets pharaoniques dénués de sens pour une population âgée vivant de surcroît de revenus de transfert (TGV via Poitiers constitue l'exemple caricatural ) .



Une gérontocratie des esprits (le phénomène est distinct de la couleur des cheveux : il existe des jeunes déjà vieux : ceux qui – serviles - ont tout compris du modèle dominant ) métastase une notable partie de la société limougeaude . L'inertie collective est permise par un maillage institutionnel édifié sur une endogamie sociale au sens propre d'une part, intellectuelle au sens figuré, d'autre part (en effet, certaines origines professionnelles structurent lourdement le paysage politique .....) .

Le résultat du vote des municipales va contribuer à ouvrir un processus de renouvellement des centres de pouvoirs et d'influence .



A titre d'exemple que je connais un peu, on se rappellera la difficulté d'amorcer l'ouverture à l'innovation dans l'université dans les années 80 / 90 tant les oppositions ont été fortes (Centres de transfert de technologies , Pépinière, plus tard Incubateur....etc) . Il a fallu des hommes opiniâtres capables de résister à bien des pressions et pour surmonter l'inertie ambiante . Citer des noms dans ce blog n'est pas d'usage mais la pensée va vers les chefs d'entreprises, universitaires, élus au sens large , permanents consulaires, fonctionnaires, …. qui ont contribué à ce mouvement salutaire pour cette Région .



Mais cette innovation est restée seulement technique ou scientifique . Le processus ne parvient pas à toucher le cœur du sociétal . Cette forme d'innovation est freinée jusqu'à être bloquée par des pensées dogmatiques collectives ancrées très profondément dans les champs politique, économique, les pesanteurs administratives et les corps intermédiaires .



Cette ville a besoin de respirer et de retrouver une spontanéïté dans la liberté de penser, d'agir . En effet, le problème de Limoges n'est pas réglé pour autant avec cette évolution politique notable  : Comme le disait le Doyen Lombois qui ne sacrifiait que rarement au politiquement correct à l'occasion des travaux du comité « Limousin 2007 » , «  il flotte sur Limoges une chape de plomb qui tient à une caractéristique majeure de sa bourgeoisie : son manque d'ouverture  » .



Si l'on confronte cette observation de 25 ans d'âge aux travaux d'Emmanuel Todd, (Le Mystère français ) et à notre expérience personnelle, on constate en effet une vraie spécificité de ce terroir : Zone de « marche » entre pays d'Oc et d''Oïl, il existe des interférences - des strates pourrait on dire en plagiant le vocabulaire géologique – qui brisent l'unité constatée au Nord dans le Berry de famille nucléaire et au Sud relevant d'un régime dominant de famille souche et d'un modèle communautaire rural spécifique . Limoges est en quelque sorte la capitale de la zone de convergence, la rencontre de plaques tectoniques entre des univers mentaux familiaux distincts au sujet desquels il convient de se garder de tout jugement de valeur car ils relèvent chacun d'une dimension différente dans la trame sociétale  : pour schématiser, le système « nucléaire » favorise l'égalité entre individus, une horizontalité de communion dans le groupe dans un plan diachronique (facteur « espace ») ouvrant sur la réticence à l'obéïssance et à l'idée de transcendance , le système « souche » plus ou moins fermé favorise lui les transmissions : des codes sociaux, des métiers, des patrimoines …. c'est à dire s'inscrit dans une verticalité de communion dans le groupe relevant d'un plan synchronique (facteur « temps ») ouvrant lui sur le respect d'un chef par le groupe familial et à une prédisposition à la reconnaissance d'une dimension transcendante. Si l'on ose la métaphore, la société limougeaude est donc comme la vinaigrette : elle est composée de liquides qui ne se mélangent pas durablement : La traduction de ce regard "universitaire" dans la vie réelle a été la partition presque parfaite des sphères politiques et économiques qui ont pû se toiser pendant plus d'un siècle …..chacun de son coté ….... De là peut s'expliquer le caractère rétif à l'innovation sociétale évoquée plus haut . Or, l'expérience montre que les territoires qui gagnent dans le contexte concurrentiel exacerbé actuel sont ceux qui opèrent la « communion » entre ces deux sphères : la Vendée en est l'exemple type . Il faut une communauté d'appartenance partagée pour concevoir et faire vivre le Vendée Globe, le Puy du Fou …..comme des phénomènes de valorisation externe d'image pour les territoires , en même temps vecteur d'image pour les entreprises participantes (dont beaucoup sont locales) et d'identification du citoyen en communication interne . Ce raisonnement globalisant est transposable dans tous les champs d'activités par filières de création de valeur ajoutée  : ex gérontologie + handicap + santé + aide à domicile ou agriculture + pêche + agro alimentaire + distribution ….Il suffit de faire application des connaissances relatives à la guerre économique et du renseignement stratégique …... sauf que ces savoirs et méthodes ne sont pas encore partagés en profondeur par les décideurs qui raisonnent toujours avec le support intellectuel de modèles fondés sur la croissance des années 60….. au bon temps de leurs études . Il leur échappe que nos « concurrents » nous extorquent les informations de nos entreprises ou organisations sans même a avoir à se déplacer, simplement en rentrant la plupart du temps comme dans un moulin dans nos systèmes d'information .



A Limoges, il faut désormais oser pratiquer des innovations « sociétales » ouvrant la voie à une « communion » des différentes sphères ; c'est désormais la voie de la croissance intelligente . Celle par laquelle celui qui donne ne s'appauvrit pas , c'est partager sans diviser . Là, se situe l'enjeu de rupture pour la nouvelle équipe qui devra se départir  de l'influence  d'une frange de ses soutiens naturels . Il va être difficile d'être conservateur sans être réactionnaire .......



Pour revenir plus directement à la ville, force est de constater que sa structuration traditionnelle était principalement articulée autour de familles « souches » dont l'influence s'amenuise progressivement du fait de la montée en puissance d'acteurs – nouveaux entrants - dont beaucoup sont rattachables au mode de famille « nucléaire » d'une part et de l'émigration d'un nombre important à Paris ou ailleurs dans des capitales régionales voisines ou à l'étranger   d'autre part .



S'agissant de phénomène s'inscrivant dans le temps long, il est pertinent de se questionner sur le point de savoir si nous ne sommes pas en train de vivre la phase de mise à nu de la fin de l'influence de cette forme de structuration des appartenances sociales ? Par mimétisme, le modèle donné par le groupe le plus élevé n'a – t'il pas « déteint » sur la classe moyenne en se transposant dans les champs politique, syndical et des corps intermédiaires en constituant des systèmes bureaucratiques  bien commodes pour guider les stratégies de conquête et de conservation de pouvoir ? La sclérose ambiante du PS a conduit au terme du processus à un état de « brejnevisation » comparable à la société soviétique terminale : Chacun des acteurs, individuellement, est conscient du manque d'efficience du système, mais par souci de survie il se garde bien d'en parler haut et fort et plus encore d'agir pour en modifier les équilibres . Malheur à celui qui ose se mettre en travers de ce jeu de rôle bien huilé ! « Attention aux coupe-jarrets  dans ce monde grégaire » commentait un Préfet de Région perspicace  !



On peut rappeler le propos de Jules Claretie : « Tout homme qui dirige ou qui fait quelque chose a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voudraient faire précisément le contraire et surtout, l'armée de gens bien plus sévères qui ne font rien » . Faut il rappeler que ce Monsieur était originaire de Limoges ? En puisant l'inspiration de ses pensées dans sa ville natale, il est permis d'imaginer qu'il savait de quoi il parlait …....



Citons opportunément Marie France Garraud qui ne mâche pas ses mots sur la responsabilité première des élites dans tout phénomène de dérapage d'une société ou d'un groupe  : « le poisson pourrit toujours par la tête » affirme t'elle  sans barguiner  : C'est pourquoi, le renouvellement initié à Limoges a bien des chances de dépasser la strate politique qui n'est en fait que la face émergée de l'iceberg .



De ce fait , il y a lieu de faire preuve d'optimisme car le mouvement s'amorce doucement  . On en voit déjà de significatives prémisses depuis plusieurs années avec l'arrivée à des postes d'influence de personnalités ouvertes .  Peut il en être autrement dans la région la plus vieille d'Europe  ? Cela met en perspective la difficulté pour tout humain avançant en âge de passer du pouvoir à l'influence. N'avons nous pas sous les yeux un laboratoire grandeur nature de management de la problématique d'une démocratie empêtrée dans les rêts d'une gérontocratie  plus avancée encore qu'au niveau national ? (pour mémoire, nous avons la représentation parlementaire la plus âgée jamais constatée depuis l'existence de la première République )



Reste à positiver : Un courant d'air frais est perceptible  ! Cette élection annonce peut être la construction d'un nouvel édifice à Limoges ….. Question limougeaude par excellence : la première pierre en est elle posée dans le bon angle ? l'Histoire le dira …..



La nouvelle donne politique est la résultante d'un changement majeur des rapports de force politiques fondamentaux  : Les résultats du FN à Limoges en attestent : Il est intéressant de noter que l'hypothèse posée par Emmanuel Todd concernant les conditions de migration du vote des classes populaires est validée  par cette élection : Ex terroir communiste , le vote ouvrier issu des métiers techniques sinistrés (mécanique, textile, porcelaine, chaussure ….etc) et héritier des valeurs d'un communisme agraire, insensible (voire même très hostile) au thèses inégalitaires, racistes et xénophobes de Jean Marie Le Pen, est rentré en résonance avec le discours « recentré » de sa fille Marine, sur le thème de la défense des valeurs de la République et de la nécessaire protection de la Nation contre les effets d'une mondialisation ultra-libérale perçue par le quidam comme «le renard libre dans le poulailler libre » . Le discours FN d'inspiration collaborationniste a laissé place à un programme dérivé de la pensée des « Croix de Feu » dirigés avant guerre par le Colonel de la Roques (décoré par le Général de Gaulle à son retour de camp de concentration et décédé quelques semaines plus tard) . On assiste là à une étonnante évolution des électeurs héritiers de Georges Guingouin et d'un communisme d'essence chrétienne anti-clérical sur laquelle les socialistes pourraient utilement questionner la pertinence de leur alliance avec le mouvement écologiste et les milieux libertaires du front de Gauche vu le désastre électoral qui en a résulté . La perte de Limoges (entre autres villes d'ailleurs) constitue sous ce jour un étonnant tribu payé par les « enfants spirituels » de François Mitterrand : ils règlent l'addition résultant de la stratégie délibérée de « courte échelle » faite à un FN trouble fête pour diviser la droite républicaine  . Arroseur arrosé  peut on se questionner avec un rictus ? Seul le cheminement de l'histoire – qui n'est pas écrite - permettra de savoir si nous allons en rire longtemps... ?




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