Nous avions projeté
initialement de ne rester en guyane qu'une quinzaine de jours , le
temps de partager de bons moments avec nos amis Manu et Steph et de
visiter ce qui nous semblait constituer les principaux points
d'intérêt du département : Cayenne et ses environs , Kourou
- le centre spatial et les îles du Salut- , St Laurent du Maroni
avec le camp de la « transportation » enfin.
Sous l'effet d'on ne sait
quoi.... déjà un mois ici et nous découvrons chaque jour de
nouveaux visages de ce territoire attachant par bien des aspects :
son histoire, sa géographie, sa faune, sa flore , son irréductible
contradiction entre une modernité extrême symbolisée par
l'industrie spatiale portant l'innovation la plus poussée d'une part
et des structures politiques et administratives anachroniques au
fonctionnement sustenté par l'esprit rétrograde inspiré du
mélange subtil d'une fin d'empire colonial dans laquelle les agents de l''Etat
achètent leur tranquilité de carrière avec les politiques locaux
et du rêve du souvenir de l'économie de rente de la période bénie des
chercheurs d'or d'autre part .
Après avoir organisé
avec John Dumbaï (Maroni-Tour) une remontée d'une journée sur le
Maroni de St Jean du Maroni jusqu'au saut Hermina à l'amont
d'Apatou, nous avons consacré cette semaine à la découverte de la
forêt primaire dans l'arrière pays de Kourou, en remontant les
méandres du fleuve pendant deux heures et demi de bateau à moteur .
Pour fixer un ordre de grandeur, à vol d'oiseau, nous établissons
notre camp à 25kms de Kourou dans le rayon d'action des secours .
En clair, nous ne participons pas à une expédition de Jean Louis
Etienne aux pôles ou dans la forêt profonde où l'on ne doit que
compter sur soi .
Il n'en demeure pas moins
que le milieu dans lequel nous allons devoir évoluer ne nous est pas
familier et suppose que chaque détail doit être préparé avec
minutie afin que cette sortie ne se termine pas en « eau de
boudin » .
Catherine et Michel
(Mordicus) sont intéressés pour participer à cette « aventure ».
Sous les conseils avisés de Michel (Allégro 3) qui nous fait
bénéficier de sa connaissance de la forêt et nous servira de
guide durant cette découverte, Lundi, nous faisons la liste des
fournitures nécessaires : eau, alimentation, carburant,
outillage – (on emmène même une tronçonneuse, pas seulement des
machettes )- fusils de chasse , cannes à pêche et accessoires ,
l'iridium, la pharmacie ….. etc . Nous faisons les achats et
transbordons tout sur le bateau au mouillage . Mardi, nous nettoyons
les coques des bateaux soigneusement pour éviter les aspérités
dont la présence accroît significativement la consommation
d'essence .
Le mercredi matin, à
l'aube (le soleil se lève ici invariablement aux alentours de 6h30 /
6h45 du fait de la proximité de l'équateur), nous nous réunissons
sur Esclarmonde III pour un petit déjeuner copieux avant d'entamer
la remontée du fleuve . Nous sommes en fin de marée montante :
nous allons donc profiter d'un « chouïa » de courant
favorable et de l'étale de marée haute pour avancer au milieu des
terres .
Il est 8h15 . C'est le
départ . Les 2 bateaux sont lourdement chargés ; chacun des 2
moteurs de 15 cv est sollicité au maximum de sa puissance . La
barque en aluminium de Michel, étroite et longue est bien adaptée à
cet exercice . Elle est équipée d'un moteur Suzuki 4 temps récent,
économique et peu bruyant .
Notre annexe pneumatique Caribe à fond rigide de 3,20 m «pousse beaucoup d'eau » avant de déjauger ; elle est équipée d'un Yamaha enduro 2 temps des années 2000 à la fiabilité légendaire, mais bruyant et surtout gourmand . C'est la première fois que nous allons le solliciter pour un fonctionnement continu de plusieurs heures . Je n'ai pas vraiment de repère pour prévoir sa consommation pour un tel usage . Je pense être prudent en emmenant un bidon supplémentaire de 5 litres …... .
La géographie du fleuve
est intéressante : au départ - près de l'embouchure, il
mesure environ 400 mètres - dès les premiers méandres après
être passé sous le pont de Kourou, la mangrove révèle toute sa
puissance et s' en approprie le lit dont la largeur apparente
diminue vite à seulement une bonne centaine de mètres . Nous ne
devons pas perdre de vue que nous sommes à la petite saison des
pluies qui précède le « petit été de mars » . A la
grande saison humide (mai, juin, juillet), les berges ne seront plus
visibles au plus fort des pluies torrentielles qui font sortir le
fleuve de son lit et transforment la forêt en une immense mangrove
encore plus impénétrable .
Après une heure trois
quart de navigation, nous faisons une halte au dégrad Sarramaca au
PK 23 : Catherine à bu pas mal de thé avant de partir ….Nous
en profitons pour refaire le plein ….. plus de 15 litres de
mélange sont déjà consommés sur les 40 du stock de départ ….Il
nous reste une bonne heure de remontée à parcourir : il va
falloir être vigilant sur le carburant …...en baissant la vitesse
et en surfant sur la vague faite par la pirogue de Michel .
Nous reprenons notre
progression .
Au bout d'une trentaine de minutes nous quittons le fleuve Kourou pour nous engager – sur la droite - dans un petit affluent ( une crique comme ils disent ici ) dénommée « la Couï » .
Au bout d'une trentaine de minutes nous quittons le fleuve Kourou pour nous engager – sur la droite - dans un petit affluent ( une crique comme ils disent ici ) dénommée « la Couï » .
Le cours d'eau se
rétrécie très vite à une dizaine de mètres en moyenne .
Fragilisés par le poids de l'eau de pluie dans leur feuillage, de
nombreux arbres se couchent ; la couche d'humus étant faible en
forêt, le réseau racinaire reste en surface . Il n'a pas de
résistance mécanique . Au moindre coup de vent significatif la
rivière est barrée par de nombreux troncs et branches qu'il faut
habilement contourner en levant le moteur au bon moment, sans oublier
de conserver assez de vitesse pour franchir l'obstacle ….. un peu
technique mais on s'y fait vite surtout lorsque l'on a la chance
d'avoir un ouvreur du passage devant soi .
Michel nous explique qu'il doit fréquemment sortir sa tronçonneuse et ouvrir lui même la voie . Nous n'aurons pas à le faire cette fois ci : En effet, nous sommes près du carbet du camp d'entraînement de Légion dans lequel les troupes s'entraînent fréquemment à cette période de l'année . Si le chemin est tracé et entretenu sommairement c'est assez pour réussir à progresser vers notre campement pour deux nuits .
Michel nous explique qu'il doit fréquemment sortir sa tronçonneuse et ouvrir lui même la voie . Nous n'aurons pas à le faire cette fois ci : En effet, nous sommes près du carbet du camp d'entraînement de Légion dans lequel les troupes s'entraînent fréquemment à cette période de l'année . Si le chemin est tracé et entretenu sommairement c'est assez pour réussir à progresser vers notre campement pour deux nuits .
Nous arrivons à hauteur
du camp militaire ; les hommes sont en train de réaliser un
exercice d'entraînement aux techniques de franchissement de la
rivière avec un blessé . Après les saluts d'usage, lorsque la voie
est libre, nous poursuivons notre remontée pour chercher notre
point de bivouac dans la forêt .
Sur le coup de midi, nous
nous arrêtons pour pique-niquer sur une petite île .
Nous observons attentivement les faits et gestes de Michel dans sa prise de possession des lieux . En effet, nous avons déjà fait la rencontre d'un serpent lors de notre première expérience de découverte de la forêt près de Cayenne sur le sentier balisé de la colline du Rojota .
Pour fixer les idées, il s'agit du parcours de jogging du dimanche dans le quartier résidentiel de Remire-Montjoly . Nous ne pensions pas y faire une telle rencontre compte tenu de la fréquentation des lieux . Nous découvrons que la sécurité de la marche en forêt suppose une habitude réflexe d'observation de son environnement en trois temps : regarder l'endroit où l'on pose son pied , observer la végétation autour pour éviter les chutes d'arbres, les piqures d'épines, les nids d'insectes..... , enfin on peut se laisser aller à la contemplation des fleurs, des papillons.... à l'écoute des bruits étonnants de la forêt ou à l'action de chasse . Pas évident de bien respecter cette valse à trois temps …...on ne s'improvise pas indien ou marron en un claquement de doigts !
Nous observons attentivement les faits et gestes de Michel dans sa prise de possession des lieux . En effet, nous avons déjà fait la rencontre d'un serpent lors de notre première expérience de découverte de la forêt près de Cayenne sur le sentier balisé de la colline du Rojota .
Pour fixer les idées, il s'agit du parcours de jogging du dimanche dans le quartier résidentiel de Remire-Montjoly . Nous ne pensions pas y faire une telle rencontre compte tenu de la fréquentation des lieux . Nous découvrons que la sécurité de la marche en forêt suppose une habitude réflexe d'observation de son environnement en trois temps : regarder l'endroit où l'on pose son pied , observer la végétation autour pour éviter les chutes d'arbres, les piqures d'épines, les nids d'insectes..... , enfin on peut se laisser aller à la contemplation des fleurs, des papillons.... à l'écoute des bruits étonnants de la forêt ou à l'action de chasse . Pas évident de bien respecter cette valse à trois temps …...on ne s'improvise pas indien ou marron en un claquement de doigts !
Au sol, le serpent le
plus dangereux est le « grage » :
Contrairement à ses congénères, il ne fuit pas devant les intrus que nous sommes sur son territoire . Il reste lové et attaque avec une détente foudroyante qui lui permet de planter ses crocs venimeux de 2 cms jusqu'au bas de la cuisse et sans problème à travers une botte de chasse .
Exemple de sol en forêt .... il faut avoir l'œil pour identifier un serpent dans ce fouilli de racines et de branches entrelaçées .
Contrairement à ses congénères, il ne fuit pas devant les intrus que nous sommes sur son territoire . Il reste lové et attaque avec une détente foudroyante qui lui permet de planter ses crocs venimeux de 2 cms jusqu'au bas de la cuisse et sans problème à travers une botte de chasse .
Nous repérons plusieurs
installations vacantes . Conformément aux usages de la forêt, nous
nous installons dans un carbet inoccupé .
Il est admis de se servir des lieux comme un refuge en montagne en le laissant en parfait état de propreté . Après avoir attaché les bateaux sur un ponton sommaire construit sur la rive, nous faisons la découverte des lieux . L'endroit nous semble parfait . Nous déchargeons nos affaires et les mettons à l'abri car le ciel menace . Le bois mort alentour récupéré, Michel allume un feu dans le barbecue pour disposer de suffisamment de braises pour la cuisson du repas du soir .
Il est admis de se servir des lieux comme un refuge en montagne en le laissant en parfait état de propreté . Après avoir attaché les bateaux sur un ponton sommaire construit sur la rive, nous faisons la découverte des lieux . L'endroit nous semble parfait . Nous déchargeons nos affaires et les mettons à l'abri car le ciel menace . Le bois mort alentour récupéré, Michel allume un feu dans le barbecue pour disposer de suffisamment de braises pour la cuisson du repas du soir .
Nous installons les
hamacs ….pas si simple qu'il n'y paraît de trouver le compromis
optimal entre tension et courbure : ça conditionne le confort
et la qualité du sommeil .
La nuit arrive vite à
l'équateur,(18h30 environ) ; nous sommes très confortablement
installés .
L'heure du ti punch sonne ! l' atmosphère est au recueillement devant nos gobelets savoureux ! Nous n'abusons pas …. nous ne virerons pas à la contemplation !
L'heure du ti punch sonne ! l' atmosphère est au recueillement devant nos gobelets savoureux ! Nous n'abusons pas …. nous ne virerons pas à la contemplation !
Un dîner aux bougies se
prépare . Il faut imaginer la faible lueur dans le carbet dans
l'environnement sonore de la forêt tropicale …..simplement
magique ! On peut comprendre que l'on devienne addict à cet
atmosphère ambigüe faite à la fois de sérénité profonde et
de vigilance aux risques permanents d'un milieu hostile maintenant
les sens en éveil .
La braise étant à
point, les appétits aiguisés.... nous réservons le sort que vous
imaginez …. aux succulents magrets de canard agrémentés de
pommes de terre cuites en papillotes ; un verre de Bordeaux ne
nuit pas ….. deux non plus d'ailleurs !
Il est encore très tôt
…. une petite sieste avant d'aller faire une chasse de nuit .
lever à 22h30 : les caïmans n'ont qu'à bien se tenir ! Nous installons nos puissantes lampes frontales qui éclairent des berges jusqu'aux cîmes des arbres .
lever à 22h30 : les caïmans n'ont qu'à bien se tenir ! Nous installons nos puissantes lampes frontales qui éclairent des berges jusqu'aux cîmes des arbres .
Tels des Tartarins en goguette
nous ne verrons pas plus de caïmans que d'autres bestioles nocturnes
. Nous ne sommes pas assez profond dans la forêt . Cet espace est
très chassé …. trop probablement . Nous passons quand même un
excellent moment : la lumière réfléchit l'éclat orange
des yeux d'un serpent jaune et blanc nacré d'1,50 m environ enroulé sur une branche
surplombant la rivière et un animal non identifié que nous
observons en train de nager (probablement un petit mammifère
rongeur ) .
Nous ne tirerons pas une
cartouche pendant le séjour .
Minuit 30 : retour au
campement . Michel nous raconte ses mésaventures de l'an dernier
suite à l'agression dont il a été victime durant son sommeil dans son carbet installé dans la forêt profonde (à - heures de pirogue de Kourou) . Du
fait du risque de vol, souvant accompagné de violences physiques par
des garimpéros, nous organisons un quart de surveillance . Nous
prenons chacun une heure et demie . Le risque n'est pas mince :
Les fusils sont chargés à balle pour gros gibier . Heureusement,
nous n'aurons pas à nous en servir .
Nous sommes aidés dans
cette tâche par Tit'fille, la petite chienne de Michel qui elle ne
dort que d'un œil …. contrairement à Catherine !
Le petit déjeuner permet
à tout le monde de partager un temps commun . Œufs au bacon sur le
feu de bois … délicieux goût de boucanage …. Instants magiques
rythmés par les ébats des singes hurleurs s'égosillant dans le
lointain et des oiseaux entourant la clairière .
Durant la matinée, nous
partons chasser dans la forêt avec Nicole ; Nous avons pris
soin d'emmener une boussole avec nous .
Nous faisons quelques
mètres dans une végétation luxuriante et déjà nous perdons de
vue le campement ….. nous tournons à droite , contournons un
obstacle par la gauche …. contournons une souche... un bras de
rivière … au bout d'un quart d'heure nous vérifions que notre
sens de l'orientation n'est pas pris en défaut . Bien nous en
prend : Nous allons à l'opposé de notre chemin pour revenir au
camp . Heureusement nous sommes encore à portée de voix mais séparé
par un méandre de rivière qu'il faut contourner par la droite ou la
gauche ? ….. chaud, chaud de ne pas se perdre dans cette
jungle inextricable dans laquelle nous n'avons pas les connaissances
pour se créer des repères comme les indigènes . Au bout d'une
demie heure , nous retrouvons le camp ….. bonne leçon qui confirme
que nous avions vraiment raison d'être prudents en n'allant pas loin
. L'après midi, Michel part à la chasse . Comme convenu, je tape
sur le cul de la poelle au bout d'une demie heure . Cela lui permet
de se recaler dans la bonne direction pour revenir au carbet .
L'orientation dans la forêt suppose un sens de l'observation et une
intuition que nous ne travaillons plus dans nos sociétés
« développées ».
…
Le jeudi après midi, Michel (Mordicus) décide de partir pêcher dans la Couï ; Il apâte avec des gambas conservées dans la glacière . Ca marche ! Il prend 5 poissons en deux heures . Mieux que la chasse incontestablement .
Nous sommes mis au défi avec Michel (Allégro) . Nous décidons de partir à la chasse en espérant croiser un agouti .... Le layon longeant la rivière est encombré de nombreuses branches entre lesquelles nous progressons prudemment . A hauteur d'une souche, je passe sans encombre ..... Michel suit quelques mètres derrière . Les guêpes dérangées se ruent sur lui ..... Une bonne vingtaine de piqures par des " mouche à feu " ça fait mal ...... Nicole et Catherine trouvent dans la pharmacie de quoi atténuer les misères de notre guide .
Après une nuit et une matinée sous des trombes d'eau, nous rentrons sans encombre le vendredi après midi sous un ciel dégagé . Michel puise dans sa réserve d'essence pour me permettre de finir le voyage retour ...... Il m'aurait manqué 5 litres de carburant pour finir de rentrer !
Beau périple qui nous donne envie de poursuivre la découverte du monde de la forêt amazonienne .... une virée de 15 jours au carbet de Michel l'an prochain .... pourquoi pas ?